3 questions à… Isabelle Célestin-Lhopiteau

Depuis 30 ans, la psychologie Isabelle Célestin-Lhopiteau explore les pratiques et médecines traditionnelles à travers le monde. Elle les a incorporées dans le parcours de soin proposé à l’Institut français des pratiques psychocorporelles (IFPPC). Ces pratiques très diverses ont comme point commun de passer par le corps et la respiration. Elles permettent, en particulier, de mieux gérer ses émotions pour trouver son équilibre.

Comment avez-vous intégré le yoga dans les pratiques proposées par l’IFPPC ?

J’ai découvert le yoga quand j’étudiais la médecine ayurvédique en Inde ; cette médecine traditionnelle aborde l’humain dans sa globalité. Beaucoup de praticiens en ayurvéda proposent des exercices de yoga en plus des massages, de la pharmacopée et des conseils diététiques. J’ai vu des patients avec des pathologies qui rigidifient comme la spondiartrite ankylosante ou la maladie de Parkinson, se mettre à pratiquer le yoga de façon régulière et garder de la souplesse. J’ai également vu les effets sur le mental : le niveau général d’anxiété et de stress des personnes qui pratiquent le yoga, diminue. Je n’ai pas un mode de vie qui me permet de faire 5 heures de yoga par jour, mais utilisés très régulièrement pendant des séances courtes, certains outils sont très efficaces. Comme le yoga. Tout ce que je propose à l’institut, je l’ai testé. Pour ma part, je fais le Surya Namaskar(Salutation au Soleil) tous les jours sur le sol ou sur une chaise. 

Pour vous, la gestion des émotions est primordiale dans la guérison…

Le stress, la colère, la tristesse… sont des émotions qui ont tendance à « coller ». Nos pensées ont tendance à tourner en rond dessus. Alors que pour la joie, il y a un petit côté Téflon. On ne prend pas tant le temps que ça de la vivre ni de la repenser. Spinoza a parlé de l’importance de cultiver la joie pour faire face aux évènements de la vie. Cultiver la joie sans dénier les peines. « Il nous faut arracher la joie aux jours qui filent. »a écrit le poète russe Vladimir Maïakovski. Il nous dit que ça ne tombe pas tout cuit. Apprendre à repérer la joie, ça permet de « muscler le réflexe ».  Quand on la vit, on la reconnaît mieux. Quand on est joyeux, la respiration est modifiée : cela ouvre le thorax, le diaphragme masse le ventre, des pensées positives jaillissent, c’est un cercle vertueux. Le nerf vague qui protège de l’inflammation est activé. La joie est un puissant levier thérapeutique. 

Comment les pratiques psychocorporelles et le yoga en particulier interviennent dans ce schéma ?

Quand on s’installe dans le stress, il y a également une modification de la respiration. Le mental modifie la respiration et la respiration modifie le mental. Avec le pranayama : on agit sur le mental à travers des exercices de respiration. Les asanasdu yoga libèrent une respiration. C’est intéressant d’apprendre à la modifier car avec des exercices simples de respiration, on module ses émotions. Souvent en Occident, on voit le yoga comme une gymnastique. En fait, les exercices de yoga préparent le corps pour apaiser le mental. À l’IFPPC, il y a un apprentissage d’une base de yoga lors des méditations, avec un travail de respiration lors des asanasque l’on va moduler en fonction de la pathologie des patients. Ce que je recherche, ce sont outils que l’on peut activer facilement même en cas de problème chronique, et qui peuvent aussi être utilisés à l’hôpital. Et le yoga, on peut l’utiliser même aux urgences. 

Éloge du vivant, Isabelle Célestin-Lhopiteau, Harper Collins, mai 2019.

Texte : Céline Dupuy ; Photographie : Gwladys Louiset
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