Danse avec le yoga

Le Bordelais Cyril Moreau enseigne notamment le yoga restauratif, une pratique qui se vit comme un lent voyage intérieur. Rencontre avec un yogi léger comme un danseur et solide comme une montagne, qui a su sublimer ses rêves d’enfance.

« Ouvrez les yeux. Embrassez la pièce d’un large regard. »C’est un dimanche ensoleillé au studio de Gérard Arnaud, à Paris. Cyril Moreau passe entre nous, observant attentivement la dizaine de Tadasanaqui lui font face – une véritable chaîne de l’Himalaya. D’un œil expert, il repère en quelques secondes des épaules qui roulent vers l’avant, une main qui pourrait être plus tendue, des jambes qui devraient être plus solides. « Dans un cours de niveau avancé, récemment, je leur ai fait faire la Montagne pendant dix minutes. Ils ont adoré ! »Vous ne trouviez pas d’intérêt particulier à cette posture ? 

Tadasana fait partie d’un petit enchaînement d’échauffement, mais l’atelier du jour est dédié au Restorative Yoga : un yoga qui, comme son nom l’indique, restaure. Très lent et très doux, idéal pour les personnes souffrant d’une blessure physique… ou d’un mal plus intérieur. En Restorative, le confort prime. « Ce yoga où l’on prend son temps a vraiment besoin d’un coup de projecteur. Le Vinyasa et les ateliers sur les inversions sont très à la mode en ce moment, et c’est fun, mais j’avais envie de rompre avec cette tendance. Ne pas être tout le temps dans le
challenge ou la force. Prendre mon temps. Être à contre-courant. »

Classique ou pas

Il fut un temps où être à contre-courant l’aurait terrifié. Petit garçon, son rêve absolu est de devenir danseur. Danseur classique, très précisément. Mais la pression des stéréotypes le rattrape très vite : la danse, c’est “un truc de fille”. Quand on est un petit garçon, on devrait plutôt vouloir faire du foot, non ? « Personne ne m’a obligé à renoncer à ce rêve : je l’ai fait tout seul. Je me suis autocensuré. C’est resté pendant longtemps comme un arrière-goût de non-accompli. » Et pourtant, l’intérêt pour le corps ne le quitte pas. Tandis que Cyril fait ses études, ses ambitions continuent à faire leur petit bonhomme de chemin. Avec une maman “hippie” qui avait toujours fait du yoga à la maison, le contraire eût été surprenant !

Le jeune Bordelais, qui a passé son enfance entre l’Algérie, la Tunisie, le Maroc et la Suisse, une fois adulte, s’envole cette fois-ci pour l’Asie où il prend une année sabbatique pour enchaîner les stages et les formations de yoga. À son retour en France, il entame un long travail d’introspection. « Enfant, je voulais rencontrer des psys pour tout comprendre de la nature humaine. Et puis j’ai rencontré une psychanalyste jungienne avec qui j’ai entrepris un travail d’analyse de mes rêves. » Cette découverte change tout pour Cyril, qui voudrait pouvoir respecter l’essence du yoga tout en l’adaptant au monde occidental. Il avoue ne pas s’être personnellement reconnu dans la version “puriste” du yoga à laquelle il a pu goûter auparavant. « Quand on parle de respecter le “yoga traditionnel”, de quelle tradition parle-t-on ? Il y en a tellement ! »

Millimétré

Pour Cyril, dont l’enseignement se rapproche de la philosophie du Yoga Iyengar dans sa précision chirurgicale, c’est là tout l’intérêt de la biomécanique, soit l’étude physiologique de ce qui entre en jeu dans les placements et la respiration. En clair : comment trouver une posture confortable et sans danger de blessure. La papesse de la biomécanique en France est Bernadette de Gasquet. La rencontre de l’auteure de Yoga sans dégâts a été une révélation pour le jeune enseignant, qui avoue avoir suivi la totalité de ses (nombreuses) formations (sur les abdominaux, le dos, les torsions, le yoga périnatal…), dont certaines deux fois ! En résumé ? « Ce n’est que du bonheur. Et beaucoup de travail. »

Venez comme vous êtes

Cyril est un des intervenants du diplôme de yoga adapté de l’université de Lille. Depuis six ans, l’enseignement l’a aussi emmené à la rencontre de traumatisés crâniens – un yoga « ultra-adapté, mais attention, c’est toujours du yoga, pas du macramé ! »Dans ses cours, il a dû accepter le fait que les gaffes seraient inévitables. « Je pensais que je serais très à l’aise tout de suite, mais cela m’a fait travailler sur ma propre relation au handicap ; ça m’a ramené à ma propre validité. Et c’est là que l’élève devient aussi enseignant. »Le lien de confiance et de respect qui se tisse avec les élèves, c’est manifestement ce qui lui tient le plus à cœur ; l’importance d’une réelle bienveillance, ancrée dans le discernement, se ressent au studio Nataraja (“danseur” en sanskrit), qu’il a fondé en 2013.

Retrouvez l’intégralité de cet article dans Yoga magazine #24

Texte : Clémentine Koenig ; Photographies : Anaka
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